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Entretien AVEC STÉPHANE BERN

Stephane Bern

Entretien avec Stéphane Bern

​Pour cette 27éme édition, le Salon International du Patrimoine Culturel donne la parole à Stéphane Bern, acteur majeur de la sauvegarde du patrimoine français. Rencontre.

Le thème de cette 27éme édition est « le développement durable, ADN du patrimoine », selon vous comment conjuguer développement durable et patrimoine ? Comment trouver le juste équilibre entre conservation, durabilité et développement ?

Le patrimoine porte en lui la durabilité grâce aux matériaux utilisés. La pierre, le bois, sont des matériaux beaucoup plus durables que ce qu’on a pu utiliser depuis ces dernières années. Le Château de Versailles est toujours debout depuis plus de 3 siècles alors qu’on a dû refaire les plaques de l’Opéra Bastille plusieurs fois. Le patrimoine, c’est la transmission d’un héritage du passé que vous lancez pour les générations à venir, vous construisez avec l’idée de la durabilité.

Le patrimoine c’est aussi la conservation d’un environnement : l’environnement naturel, paysager, c’est un tout. Je ne vois pas de contradiction entre patrimoine et durabilité. Là où le patrimoine va être mis en danger, c’est avec toutes les normes européennes en train de se mettre en place sur l’économie d’énergie menant à détruire les vitres et huisseries du XVIIIème siècle. Les conservateurs en chef des Monuments Historiques m’alertent en permanence. Nous allons vers une pierre d’achoppement, cela va être difficile de répondre aux normes qui sont édictées par des bureaucrates à Bruxelles. Regardez l’histoire du plomb : que fait-on des maîtres verriers ? Est-ce qu’on a trouvé une solution pour remplacer le plomb qu’on utilise pour les vitraux ? Non, toutes ces normes écrasent la différence.

Pour les métiers du patrimoine, quels sont les enjeux liés au développement durable ?

Pour le développement durable, les métiers du patrimoine sont une chance pour l’avenir de la France. D’abord parce que c’est un conservatoire des métiers d’art et de l’excellence à la française. Ensuite, quand vous êtes tailleur de pierre, charpentier, couvreur, marbrier, staffeur, doreur… il y a du travail, pour tous les chantiers du patrimoine. Là nous sommes au cœur-même de l’idée du patrimoine : le patrimoine n’est rien d’autre que quelque chose qu’on a reçu du passé, qu’on doit transmettre dans un meilleur état que celui dans lequel on l’a trouvé. Pour moi, c’est cela le patrimoine, quelque chose qui fait sens architecturalement, historiquement, esthétiquement et que vous devez transmettre. Les métiers du patrimoine sont des métiers passions qu’on doit transmettre avec l’intelligence de la main, des savoir-faire ancestraux dont on perd parfois la mémoire. Avec Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, nous insistons beaucoup auprès du président de la République sur le fait que c’est un conservatoire des métiers d’art, de métiers d’avenir, ce n’est pas un conservatoire figé dans le passé, ce sont des métiers passions qui ont un avenir et qui sont valorisés dans le monde entier. C’est aussi la balance commerciale de la France, c’est ce qu’on vient rechercher en France, ils sont appelés sur des chantiers dans le monde entier. Le Salon International du Patrimoine Culturel a cette vocation de réveiller des passions, de mettre en valeur ces métiers d’art et leur apprentissage. 

Vous qui êtes un fidèle visiteur depuis tant d’années, pourquoi il ne faut absolument pas louper ce rendez-vous et se rendre au salon ?

Ce qui me touche davantage ce sont les métiers du patrimoine, les métiers d’art, à destination de la jeune génération. Dans les allées du salon, je vois énormément de jeunes en demande de ces métiers du patrimoine. Vous voyez l’efflorescence de ces conservatoires : le conservatoire des métiers d’art et du patrimoine de Champs-sur-Marne, le conservatoire de Versailles Grand Parc, les chambres des métiers et de l’artisanat, des formations entrent en scène, car les jeunes sont de plus en plus attirés. Je pense qu’aujourd’hui on a besoin de donner du sens à ce qu’on fait. Evidement le salon réunit toutes les grandes institutions de défense du patrimoine, mais ce que je trouve plus important encore c’est que ce soit une rencontre d’étudiants venant découvrir des métiers passions. Il y a toujours bien sûr l’aspect commercial, chacun vient montrer son savoir-faire : les Ateliers Perrault viennent montrer leurs huisseries, il y a des ferronniers d’art… C’est formidable, pour qui a un monument à restaurer, vous avez tout.

Quel message souhaitez-vous adresser aux visiteurs et aux professionnels du secteur pour cette nouvelle édition ?

L’ensemble du patrimoine et des métiers du patrimoine sont à voir comme une industrie qui rapporte autant que l’agriculture en termes de PIB : 500.000 emplois impactés, 45.000 artisans d’art, c’est une véritable manne financière pour le pays, d’autant que c’est une industrie non délocalisable. Nous touchons là à ce qui fait à la fois notre force, notre identité historique et ce qui fait l’art de vivre à la française.

La ministre de la Culture a annoncé un plan sur les métiers d’art qui sera prochainement dévoilé pouvez-vous nous parler de vos attentes par rapport à ce plan ?

Il faut davantage soutenir l’apprentissage. J’aimerais que l’on profite du grand chantier de Notre-Dame et de tous nos chantiers du patrimoine avec la Mission Bern pour que l’on développe l’apprentissage des jeunes qui apprennent un métier, que l’on valorise cela. J’attends un grand plan pour inciter la jeunesse à embrasser ces carrières, ces métiers, car il y a cette demande à laquelle il faut répondre.

Dans le cadre de ce plan, il faut également une coordination avec le ministère de l’Education nationale…

Il manque des courroies de transmission entre les entreprises, le ministère de l’Artisanat, le ministère de la Culture, le ministère de l’Education nationale et le ministère du Travail et de l’Industrie. Il y a une demande qui est vraiment exponentielle en termes d’apprentissage, je crois qu’il faut l’encourager encore davantage, et surtout y répondre, que les jeunes ne se retrouvent pas en rade, à ne pas trouver les bonnes formations.

Dans ce cas il faudrait que les besoins des entreprises soient également pris en compte, c’est ce qu’on a du mal à faire entendre aux ministères de l’Education et du Travail actuellement du côté des métiers d’art…

Je pense qu’il faut davantage créer des postes relevant de ce que j’appelle l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, pour aider les entreprises. En général ce sont de toutes petites PME, voire des auto-entrepreneurs, qui prennent des apprentis mais ont déjà du mal à répondre aux demandes de devis lorsqu’ils sont interrogés pour un chantier. Il faut donc les aider.

Comment sera amenée à évoluer Mission Patrimoine ?

Je suis de plus en plus préoccupé par l’environnement, les jardins, ce patrimoine paysager. Nous intégrons de plus en plus de jardins, de parcs, de patrimoine industriel et ouvrier, de patrimoine du XXème siècle, qui est aussi menacé car moins pris en considération. Il y a également le grand chantier du patrimoine religieux. On m’a confié une mission que j’essaie de mener à bien, nous sommes déjà en train de sauver 745 monuments, on en sélectionne 118 par an. J’espère que cela fera boule de neige, et surtout que cela changera la vision qu’ont les gens du patrimoine.

Quels sont vos autres projets (et dernières actualités) pour 2022/2023 ?

Nous poursuivons l’action de la Mission Patrimoine. Nous lançons maintenant l’appel à candidatures pour les monuments souhaitant participer à la Mission Patrimoine, il faut inscrire les monuments en péril sur www.missionbern.fr, le formulaire est ouvert toute l’année.

On développe des idées pour financer les restaurations du patrimoine, moi je fais ça avec mes moyens, comme la plupart des propriétaires, on est obligés de trouver des solutions, car l’entretien et la restauration du patrimoine coûtent cher. Quand vous sauvez des pierres, vous sauvez des gens, et notamment les 45.000 emplois derrière – je parle des artisans d’art, notamment.

Que pouvons-nous vous souhaiter de mieux ?

De continuer, d’avoir l’énergie pour continuer car parfois on se désespère !

 

Appel à candidature du prix de la Fondation Stéphane Bern pour le patrimoine 2022

La Fondation Stéphane Bern pour l’Histoire et le Patrimoine a décidé de créer un « Prix de la Fondation Stéphane Bern pour le Patrimoine » doté de 25 000 euros
qui est décerné chaque année. Le Prix récompense des actions de mise en valeur du patrimoine bâti et/ou paysager, sur le territoire français, ayant pour objectif d’élargir l’accès et la compréhension du patrimoine au plus grand nombre, que ce soit par des initiatives de médiation, d’animation, de promotion, de diffusion
ou d’insertion. Postulez dès maintenant jusqu’au 2 novembre pour devenir lauréat. EN SAVOIR PLUS